Plongée nocturne et carotte notoire

Publié le par Gaspard Fenicottero

Nous avons rencontré Jonathan, Rebecca et leur fils Elliott sur le bateau qui relie Turbo à Capurgana, petit village à la frontière du Panama. Jonathan m'a vite prouvé que lui non plus ne pouvait pas plonger sous l'eau sans sourire. Alors quand j'ai compris que sa lampe frontale pouvait descendre avec nous danser chez les poissons, nous avons décidé de plonger de nuit.


Honnêtement, je ne faisais pas le malin. Si nous avons eu la chance de nager à quelques dizaines de mètres de trois dauphins le jour même, je redoute un peu ce qu'on peut croiser en pleine nuit, avec un masque pour deux, et une frontale théoriquement étanche. Mais que voulez vous, le vrai héros ne tremble pas dans son maillot de bain à rayure. Il tremble, mais en cachette.


La lampe éclaire un mètre carré du sol marin, et devient notre seul repère dans la nuit. Quand il plonge, je fixe la lumière qui disparait sous mes pieds, puis me concentre sur les étoiles qui nous observent. Elles doivent bien se marrer.

Masque, tuba, courage et lampe frontale en tête, je plonge de quelques centimètres sous l'eau, et fouille le sol à la recherche de tout sauf d'un monstre marin carnassier décidé à bouffer du francophone. Soudain, là dans la lumière, il y a quelque chose.



A deux mètres sous nos pieds, profondément endormie, une tortue d'une quarantaine de centimètres de long essaie de se faire passer pour une pierre, tandis qu'à ses côtés un poisson tente de se faire passer pour une tortue. Pendant plusieurs minutes, nous descendons l'un après l'autre pour observer cette beauté endormie, allant même jusqu'à lui caresser la carapace, avant qu'elle ne s'envole en silence pour disparaitre dans la nuit. Jonathan m'a jeté son immense sourire au visage, et je ne peux plus m'en séparer.





On ne dit jamais assez qu'il faut profiter de l'instant présent. J'ai profité de notre tortue, mais quand vingt-quatre heures plus tard, sac au dos après deux heures et demi de bateau et dix heures de bus, une guichetière aussi diplomate que Bashar Al-Assad nous annonce que non, il n'y a plus de bus de nuit pour Cali, et que nous devrons passer la nuit à Medellin, j'ai du mal à retrouver la plénitude que m'avait apporté la rencontre tortueuse de la veille.


Si nous avons décidé, Charlotte et moi-même, de traverser tout le pays en trente-six heures et d'abandonner nos suisses et nos dauphins pour l'air glaciale des bus colombien, c'est pour nous rendre de nouveau à Cali, où nous attend notre appartement de rêve, dont la terrasse immense donne sur la ville qu'on appelle "la succursal del cielo". Nous allons passer un mois en amoureux, bercé par le doux ronronnement de la capitale colombienne de la salsa.




Réveil à six heures à Medellin, pour foncer dans le bus qui deux mauvais films et un pneu crevé plus tard, nous déposera à Cali, fin du trajet express. Mais l'appartement en vaut la peine, ce soir nous dormirons chez nous, et nos sacs à dos cesseront de nous coller pour aller se reposer dans un placard.


Fatigués, inquiets, stressés, nous voilà enfin face à la porte de notre nouvel immeuble, sur la magnifique place de San Antonio.


Aja que pena! Nos les dijo que ya lo alquilemos ?




Après un silence, nous comprenons que les promesses n'ont pas tenues face à une proposition plus alléchante. L'appartement est loué. Nous avons traversé le pays en deux jours pour nous retrouver face à une porte fermée.


C'est drôle comme en trois soirs, mon esprit est passé de la tortue en vie à des envies de torture. Mais les cons n'ont pas le droit de nous gâcher la vie, patron ressers moi un demi à la santé de la Colombie!

Plongée nocturne et carotte notoire

Publié dans Récit de Voyage

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F
Voyage à la vitesse d'une tortue? Mais surtout, avez-vous des matelas gonflables? Merci pour le récit!
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G
No ay cama en la ciudad, se puede dormire en el camion ?
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G
No.